Que vaut Maslow, table végétarienne autoproclamée vertueuse à Paris ?
Cela nourrit-il autant son homme que son discours?
Article publié dans Le Figaro. Par Emmanuel Rubin.
CRITIQUE GASTRONOMIQUE – Quai de la Mégisserie, un vaste loft convoque la cuisine végétarienne, le bio, le local, le durable et le bien-être salarial. Cela nourrit-il autant son homme que son discours?
Le restaurant est une ethnologie qui passe à table et ceux du CNRS comme les «francoscopeurs» de tous poils seraient bien inspirés de s’y caler plus souvent. Ainsi donc, la semaine passée, à suivre cette chronique, ils auraient découvert le récent Gueuleton (17°, sa tradition revendiquée, ses coups de rouge, ses viandes grillées et son public souverain qui observe la ligne bleue des sauces. Ce vendredi, même
Paris, même printemps, mais, à l’autre bout de la ville, à l’autre bout de la fourchette, ce Maslow, vaste loft de 120 couverts, ses murs blancs, ses banquettes orange comme les révolutions et l’appétit progressiste dans tous ses mots lorsqu’il convoque l’agriculture locale, régénératrice, bio, durable, le «low impact», le souci des allergènes, le bien-être salarial et la cuisine responsable, autoproclamée vertueuse qui refuse la viande et le poisson.
Enfin, un crémeux choco-coco, caramel, crumble cacao et fleur de sel qui se rappelle soudain à la gourmandise. Très sincèrement et sans virer viriliste, tout cela nourrit moins son homme que son discours.
C’est futé comme un tuto de chaîne YouTube, réjouissant comme un dîner chez Aymeric Caron. Ironie de la géographie parisienne, l’enseigne s’est installée quai de la Mégisserie, longtemps quartier élu des jardineries et des oiselleries et où, en 2023, un certain public vient sucer des feuilles, casser de la graine, picorer à la façon des perruches.
Avec qui? Un(e) animaliste.
Une, deux, trois assiettes: Portobello katsu (champignon pané, sauce Shibuya): divertissant. Queso flameado et asperges (tomme fraîche et fromage de brebis fondus, asperges vertes grillées, huile citronnée): la sensation d’une raclette qui se mettrait à croquer. Mile-Fès (pâte filo crispy, crème légère, pistache, fleur d’oranger): plaisant.
Ça n’a pas encore glissé dans le gastroféminisme, l’assiette genrée et l’intersectionnalité des recettes, mais, à deux pas de l’Hôtel de Ville de Mme Hidalgo, les vélos et les trottinettes circulent sur les quais comme dans leur nouveau monde tandis qu’au menu la moitié des plats sont carrément végans. Fantasmé en carpaccio, du chou-rave gourmandé d’huile noire, de pralin de cajou et de menthe qui fait sûrement plus de bien que de bon. À la suite, l’en-cas écolo d’une salade de fèves argumentée d’oignons rouges, de piments ancho, d’amande, de coriandre et de saine fraîcheur.
Dans le verre? Parmi la salve de cocktails organiques, le bien nommé.
Margoulin, mixant citron vert, jalapeño, Chartreuse, mezcal et matcha poireaux. Courage!
Service: frais, dispo.
L’attention: le service non-stop.
Zut! Aucun vin en vue, pas même un petit coup de bio !
L’addition: plutôt non violente, entre 20 € et 35 € pour trois assiettes.
Quelle table? En terrasse si possible, à condition d’éviter, côté quai, l’accordéon des voitures n fin de journée. Sinon, la banquette d’angle à l’intérieur.
Maslow. 14, quai de la Mégisserie (1er). Tlj de 8 h 30 à minuit.
Métro: Pont-Neuf.
